Une des premières leçons qu’on m’a enseignées à Wall Street, c’est : “Trouve le pigeon.” Ca, c’était le principe. La description plus détaillée, qu’on n’a cessé de me seriner en hurlant, c’était : “Trouve un pauvre con bourré de pognon et gave-le d’autant de merdes toxiques que tu peux. Mais d’abord, soit sympa avec lui.”
Quand j’ai rejoint Salomon Brothers en 1993, c’étaient les clients japonais (essentiellement des petites banques et des grandes entreprises industrielles) qui étaient considérés comme les pigeons. J’ai passé mes cinq premières années à monter des produits financiers complexes, des produits qui nous procuraient des marges énormes – des “déchets toxiques”, en jargon de Wall Street – à leur vendre. Au tournant du siècle, nombre de ces clients s’étaient effondrés, d’une part à cause des déchets toxiques qu’on leur vendait, d’autre part à cause de tous les autres trucs cinglés qu’ils achetaient.
Le lancement de l’euro, la monnaie unique européenne, a introduit une période de confiance financière en Europe et à Wall Street, qui se sont attaqués à un autre pigeon prêt à se faire plumer : les banques européennes et, plus précisément, les banques d’Europe du Nord.
Les banques européennes sont devenues les nouveaux pigeons
De 2002 à la crise financière de 2008, Wall Street les a gavées d’autant de déchets toxiques que possible. Ce n’était pas difficile : comme les clients japonais qui les avaient précédé, les banques européennes tenaient absolument à acheter des produits financiers du monde entier sans trop se poser de questions.
Elles en voulaient tellement que Wall Street a aidé les hedge funds [fonds d’investissement spéculatifs] à monter des produits spécialement conçus pour elles, constitués par les prêts hypothécaires à risque les plus bancals et les plus risqués. Ces produits – que les banques appelaient “monstruosités” – n’avaient été créés que parce qu’il y avait des imprudents pour les acheter.
Quand une banque achète un actif, elle prête de l’argent ; le vendeur en emprunte. En achetant ces divers actifs, les banques européennes faisaient ce que les banques sont censées faire : prêter. Sauf qu’en achetant sans discernement, elles faisaient exactement ce que les banques ne sont pas censées faire : prêter imprudemment.
Des prêts à tour de bras
Les banques européennes ne prêtaient pas seulement imprudemment aux Etats-Unis. Elles prêtaient aussi avec zèle en Europe, entre autres à l’Espagne, au Portugal et à la Grèce.
En 2008, le marché de l’immobilier américain s’est effondré et les banques européennes ont perdu gros. Elles ont absorbé ces pertes et se sont concentrées sur l’Europe, où elles ont continué à prêter aux Etats (elles achetaient leur dette), même si ça semblait de plus en plus idiot. Plusieurs pays du Sud commençaient en effet à présenter des signes inquiétants.
En 2010, l’un d’entre eux, la Grèce, n’a plus pu rembourser. Une consommation excessive, la faiblesse des recettes fiscales, les promesses faites par des politiciens corromp
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