Le Prix Nobel aux ondes gravitationnelles : Einstein avait raison, on vit bien dans du mou de veau

Albert Einstein l'avait théorisé, des équipes internationales de chercheurs l’ont confirmé, cent ans après : les ondes gravitationnelles, ces vibrations de l'espace-temps, ont été détectées. Ces scientifiques ont reçu le Prix Nobel de physique 2017 pour cette découverte.

Par Nicolas Delesalle

Publié le 11 février 2016 à 19h01

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h27

Mise à jour : Le prix Nobel de physique 2017 est attribué à Rainer Weiss, Barry C. Barish and Kip S. Thorne pour « leurs contributions décisives au détecteur LIGO et l’observation des ondes gravitationnelles ».

Oublions ces histoires de tissu élastique ou de surface de lac représentant l'espace-temps. Ce sont des menteries à deux dimensions. En réalité, nous naissons, vivons et mourrons tous dans du mou de veau. Nous, les coccinelles, les pièces de deux euros et les étoiles. Tous englués dans la même gelée élastique que nous faisons tressauter, plus ou moins fort, selon nos masses respectives. Soyons clairs, nous ne pesons pas lourd dans le mou de veau. Même notre Soleil est un poids plume. Et quand meurt une coccinelle, un homme, une pièce de deux euros ou un soleil comme le nôtre, il ne se passe pas grand-chose. Mais lorsqu'une étoile résiduelle de plus de 3,3 masses solaires s'effondre sur elle-même faute de carburant, elle finit en trou noir, ce qui, convenons-en, remue bien davantage le mou de veau que le décès d'un être cher. Et si deux trous noirs commencent à danser la gigue dans la gelée, alors les ondes vibratoires qu'ils envoient autour d'eux, partout dans l'univers, déforment considérablement l'espace-temps. Le mou gigote.

« On devrait pouvoir capter ces ondes gravitationnelles, mais ça sera coton », a dit, en langage soutenu, Albert Einstein, voilà un siècle, une année après avoir pondu la Théorie de la relativité générale qui changea pour toujours l'idée que l'on se faisait de l'espace. Avant Einstein, l'espace, c'est-à-dire le vide qui reste quand on enlève toute la matière, était considéré comme une structure rigide. Avec Einstein, l'espace devient cette gelée dont la structure élastique peut être déformée par la matière.

Eh bien cher Albert, c'est fait ! Une fois de plus ta théorie géniale est confirmée. L'interféromètre LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) installé aux Etats-Unis sur deux sites situés à 3000 kilomètres de distance, l'un en Louisiane, l'autre dans l'Etat de Washington, a observé le 14 septembre dernier à 11h51 la danse de deux trous noirs, de respectivement 29 et 36 masses solaires, situés à 1,3 milliard d'années-lumière, et qui ont fini par fusionner. Les deux colosses se sont rentrés dans le lard à deux tiers de la vitesse de la lumière. C'était la première fois qu'on observait un tel cataclysme stellaire. Le monstre résultant de la fusion ne « pèse » que 62 fois la masse du Soleil. Les trois masses manquantes ont été transformées en énergie (selon la loi d'Einstein, toujours lui, E = mc2). L'énergie des ondes gravitationnelles, selon les équipes européenne et américaine de Virgo et LIGO qui ont analysé les données.

Une déformation de quelques fractions de millionième de milliardième de millimètres

Le détecteur LIGO est constitué de deux tunnels de quatre kilomètres de long dans lesquels circulent des faisceaux lasers synchronisés. Si rien ne vient perturber leur cheminement, ils restent en phase. Si une onde gravitationnelle vient déformer la Terre, un bras peut s'allonger, l'autre rétrécir et les deux lasers ne sont plus synchronisés. C'est cette déformation minuscule qu'ont captée les chercheurs. Car les ondes gravitationnelles envoyées par la danse des deux trous noirs ont une amplitude extrêmement faible. Sur un bras de quatre kilomètres, la déformation mesure quelques fractions de millionième de milliardième de millimètres.

Cette découverte majeure vaut celle du boson de Higgs en physique des particules. Elle vaudra peut-être aussi à ses auteurs le prix Nobel de physique à l'automne. Elle établit (une fois de plus) qu'Einstein a été le plus grand génie scientifique de tous les temps. Elle ouvre aussi la voie à un nouveau type d'astronomie dédiée à ces machins étranges inobservables en lumière visible, comme l'effondrement gravitationnel d'une étoile massive ou la danse des trous noirs. Accessoirement, elle confirme que l'homme, la coccinelle, la pièce de deux euros et le soleil naissent, vivent et meurent dans du mou de veau.

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