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Stéphane Hessel, gentleman indigné

L'ancien résistant, déporté, diplomate et infatigable défenseur des droits de l'homme Stéphane Hessel est mort dans la nuit de mardi à mercredi. Il avait 95 ans.

Par Par Annick Cojean

Publié le 23 décembre 2011 à 12h01, modifié le 27 février 2013 à 13h04

Temps de Lecture 4 min.

Stéphane Hessel par Richard Dumas, Paris, 2011.

En 2011, les internautes du Monde.fr avaient désigné comme personnalité de l'année cet infatigable défenseur des droits de l'homme, mort dans la nuit de mardi à mercredi 27 février à l'âge de 95 ans. Son livret à 3 euros, "Indignez-vous !", continuait de provoquer un tourbillon planétaire. Annick Cojean lui avait consacré un portrait.

C'EST DONC LUI qu'ont choisi les internautes ! Lui, cet homme de 94 ans, gracieux, lumineux, pacifique, qui, la voix chatoyante et le verbe séducteur, exalte l'esprit de résistance et prône, aux quatre coins du monde, l'indignation active, le dialogue, l'engagement. Lui que des sages du monde entier auraient voulu voir couronner d'un prix Nobel de la paix, et que des jeunes, par dizaines de milliers, se choisissent aujourd'hui comme référence et figure inspirante, pour leurs révoltes, leurs désirs d'action et leurs rêves d'avenir. Lui, Stéphane Hessel, né à Berlin l'année de la révolution soviétique, élevé en France entre les deux guerres, entré, dès 1941, en résistance, arrêté, torturé, déporté à Buchenwald, évadé, devenu diplomate et militant des droits de la personne et, enfin, célébré, l'année des révolutions arabes, comme l'une des premières icônes du siècle naissant.

C'est donc lui ! Le gentleman indigné, dont l'espérance est contagieuse. Le défenseur inconditionnel de l'ONU, qui participa à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en 1948, et ne cessa depuis, dans ses fonctions officielles et ses nombreux engagements de citoyen, d'en promouvoir et défendre les valeurs. Lui, le chevalier infatigable des déracinés, des sans-papiers, des plus démunis, pour qui combattre l'injustice, l'oppression et soigner les plaies du monde fait partie du privilège de vivre. On imagine aisément son sourire à l'annonce de ce nouvel honneur. Un sourire joyeux et bienveillant, plein d'espièglerie. L'air de dire : mais comme la vie est drôle ! Comme elle est ironique ! Comme elle est passionnante !

Elle l'est assurément pour cet homme frêle et toujours élégant qui n'en finit pas de s'étonner du succès et des répercussions planétaires du manifeste de 32 pages, publié en France le 20 octobre 2010, pour son 93e anniversaire, aux éditions Indigène, et intitulé Indignez-vous ! Un livret à 3 euros appelant les jeunes à refuser l'indifférence, à observer le monde afin d'y déceler tout ce qui est insupportable – inégalités, économie financiarisée, mise à sac des ressources de la planète – et à prendre la voie de l'engagement. Une déferlante. Un tourbillon. Plus de 2 millions d'exemplaires vendus dans l'Hexagone, près de 2 millions dans le reste du monde. Et ce n'est pas fini puisque paraît en France une nouvelle édition, "revue et augmentée", dans laquelle l'auteur a ajouté des mots sur son admiration pour le couple Roosevelt, et rappelé son attachement à Israël (il défend ardemment dans son livre la cause palestinienne), et qui comporte une postface des éditeurs rappelant "la fabuleuse histoire d'Indignez-vous !".

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Une quarantaine de pays ont désormais accès au petit livre magique et réclament la visite de l'auteur, qui, son épouse sous le bras, saute de capitale en capitale et d'une tribune à l'autre. L'Espagne lui a fait un triomphe. L'Allemagne aussi, qui en est à sa seizième réimpression. Les Etats-Unis – où les indignés de Wall Street brandissaient l'ouvrage – en sont à une cinquième réimpression. De nouvelles traductions voient le jour. Les Tibétains souhaitent désormais la leur. Les Russes aussi, et l'ancien président de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, s'est proposé d'en écrire lui-même la préface. Une universitaire de Homs, la ville martyre de la révolution syrienne, vient de faire, à l'intention des siens, une traduction du texte qu'elle décrit comme "l'ultime recours contre une situation atterrante". Tandis que du fin fond de la Sibérie, le prisonnier politique le plus célèbre de Russie, Mikhaïl Khodorkovski a fait envoyer par ses avocats un message aux éditeurs du livret exprimant son admiration pour l'auteur "vieux, sage et délicat" et pour son message : "Créer, c'est résister. L'indifférence est la pire des attitudes."

OUI, UN PHÉNOMÈNE sans précédent qui, en l'absence de droits d'auteur auxquels Stéphane Hessel a renoncé, permet aux éditeurs de distribuer des aides à des associations sous forme de mécénat. Un phénomène de société sur lequel se penchent déjà sociologues, philosophes, ethnologues, tandis que M. Hessel, radieux, courtois, considérant que le succès l'oblige, mais lucide sur un triomphe qu'il trouve "presque excessif", se prête aux rencontres. Heureux de dialoguer avec des amis de sa génération, comme Edgar Morin, coauteur du Chemin de l'espérance (Fayard). Joyeux de parler avec de jeunes militants, comme Gilles Vanderpooten, écologiste et directeur de Reporters d'espoirs (Engagez-vous ! aux éditions de l'Aube). Enthousiaste après sa conversation à Prague, début décembre, avec le dalaï-lama sur le thème de la non-violence (livre à paraître aux éditions Indigène). Et ravi que ce joli mot d'indigné soit désormais repris par les jeunesses du monde entier pour marquer un sursaut, un élan, un refus de la fatalité, une prise de conscience collective. Lui, l'irréductible optimiste, qui assure devoir à sa mère, Helen - dont la vie amoureuse inspira le roman, puis le film, Jules et Jim, son "intense bonheur d'exister".

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